Eva Joly a présenté un « contre-budget » face à celui préparé par le gouvernement.
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A l’occasion d’une réunion, un membre du groupe local en a fait une présentation synthétique. Pour télécharger cette présentation, cliquez ici.
Voici le discours d’Eva Joly prononcé à l’occasion de la présentation à la presse.
« Je suis heureuse de vous présenter ce que nous, les écologistes, présenterions comme projet de loi de finances si nous étions au pouvoir.
J’ai demandé à nos experts et à nos parlementaires, de préparer un véritable contre-budget face à celui présenté par le gouvernement. Je suis la première candidate à l’élection présidentielle à me livrer à cet exercice, cela fait partie pour moi de la nouvelle pratique du pouvoir que nous proposons : dire ce que l’on fait, faire ce que l’on dit.
La crise que nous traversons est exceptionnelle par sa brutalité et sa globalité. Elle remet en cause les fondements mêmes du système sur lequel repose l’économie mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale. L’urgence n’est donc pas de changer le pansement mais de penser le changement.
Nicolas Sarkozy n’apporte aucune solution. C’est un pompier pyromane. Nous avons depuis 2007 assisté à un véritable assèchement de la puissance publique. L’hôpital a été sacrifié, l’éducation saignée et les collectivités locales rackettées. Pendant ce temps, l’endettement public n’a cessé de s’alourdir à coups de cadeaux fiscaux aux plus riches des Français et de projets irréalistes et dispendieux.
Le budget qu’il nous présente aujourd’hui consiste tout simplement à faire payerà la grande majorité des Français les frais de la politique inefficace qu’il a menée. Il repose par ailleurs sur une vision fantaisiste de la réalité économique de notre pays en pariant toujours sur le mythique retour de la croissance.
Après avoir été le président de l’endettement de la France, il veut être aujourd’hui le président de l’austérité. Cette voie est une impasse. Ajouter aujourd’hui de l’austérité à la dette, c’est ajouter demain de la dette à l’austérité. Et ajouter de la crise à la crise. L’exemple grec devrait en faire réfléchir beaucoup.
Il existe pourtant un chemin pour sortir notre pays et l’Europe de la crise, sans attendre une mythique croissance, et pour nous permettre de retrouver une prospérité partagée.
Le budget que je vous présente aujourd’hui est une alternative réaliste et responsable aux hypothèses mensongères et aux propositions austères du gouvernement.
C’est un budget réaliste. On ne peut miser comme le font l’ensemble des forces politiques traditionnelles de notre pays sur le retour d’une hypothétique croissance. Le scénario que je vais vous présenter est bâti sur l’hypothèse de croissance , la plus restrictive, celle de l’OFCE c’est-à-dire 0,8% de croissance. L’année dernière alors que j’avais présenté un budget alternatif, basé sur une croissance de 1,5% de croissance, certains m’avaient considérée comme pessimiste. Au contraire aujourd’hui, telle est la réalité à laquelle nous faisons face. Il est temps de cesser de mentir aux Français, car tous ceux qui promettent 2% ou 2,5% de croissance augmenteront la dette sans le dire, qu’ils soient de droite ou de gauche.
A ce propos permettez-moi de dire une chose essentielle : les écologistes sont responsables face à la dette. Tout d’abord parce qu’elle ne fait que transmettre demain aux générations futures le fardeau auquel nous ne voulons pas faire face aujourd’hui. Ensuite parce qu’elle nous empêche de mener à bien les politiques d’avenir dont notre pays a besoin.
Mais pour faire face de manière réaliste à l’endettement, il nous faut refuser les dogmes. Le premier dogme, c’est celui de la règle d’or, inefficace économiquement et absurde politiquement, qui voudrait graver dans le marbre une politique économique. Le second, c’est celui qui voudrait faire d’une date un horizon indépassable. Nous ne sommes pas en capacité de promettre qu’en 2013 ou en 2014, nous pourrons en avoir fini avec le poids de la dette. Mais je prends ici l’engagement d’une sortie réaliste du déficit, sans le faire peser sur les citoyennes et les citoyens, le réduisant d’au moins 1% par an.
C’est un budget responsable, également, dans l’accomplissement des missions de la puissance publique. Le rôle de la collectivité, c’est de préparer l’avenir, de protéger les citoyens, d’assurer la paix publique et la solidarité.
En ce sens, c’est aussi un budget pour la transition écologique de la société. Il nous faut investir massivement, en effet, pour une société plus sobre, plus efficace, plus durable et une économie moins vulnérable aux chocs énergétiques. Nous pouvons mobiliser dès cette année 15 milliards d’euros supplémentaires.
Je pense en particulier à l’équipement des logements pour les rendre plus économes en énergie. Je propose ainsi que, dès 2012, l’équivalent de 315 000 logements soient ainsi rénovés. Je propose que, dès 2012, 150 000 logements sociaux soient construits sur les normes les plus élevées d’efficacité énergétique.
Plus globalement, notre projet de budget prévoit la création de centaines de milliers d’emplois durables et non délocalisables, grâce aux aides de l’Etat envers les entreprises qui investissent dans la conversion écologique de notre société. Les PME pourront également bénéficier de davantage d’aides à l’amélioration des conditions de travail de leurs salariés.
Un budget réaliste, un budget responsable, mais aussi un budget plus juste.
Nous voulons sanctuariser les services publics : l’école, l’hôpital, la justice doivent être protégés pour permettre aux Français de vivre dans une société apaisée. A la casse du service public mise en place par Nicolas Sarkozy, j’oppose une véritable restauration des biens communs. Il nous faudra plus de place en crèches, plus de transports en commun, une meilleure alimentation pour les enfants à la cantine.
Nous voulons faire le choix d’une véritable qualité de vie pour toutes et tous. Il est possible de la retrouver dès 2012.
Enfin, la fiscalité doit être à son tour remise au service de tous les citoyens. Par exemple, nous disposerons de deux milliards d’euros supplémentaires en créant deux nouvelles tranches d’impôt sur le revenu : 60% pour les revenus au-delà de 100 000 euros par an et 70% pour les revenus au-delà de 500 000 euros par an.
Une fiscalité au service de toutes et tous, c’est aussi nous mettre enfin sur la voie d’une fiscalité écologique. Nous voulons en cinq ans, hisser la France au niveau du Danemark, qui est aujourd’hui le meilleur élève de l’Europe en matière de fiscalité écologique. Cette grande réforme fiscale devra dès 2012 comprendre notamment une taxe sur les énergies non renouvelables, fixant le prix du carbone à 36 euros la tonne de CO2 comme l’avait proposé dans son rapport Michel Rocard.
Là encore, il ne s’agit pas de pénaliser les plus défavorisés, mais d’engager la transition écologique en incitant les citoyens au changement nécessaire et en organisant la nécessaire redistribution écologique, en instaurant des chèques verts , qui aideront les couches les plus défavorisées à financer les investissements nécessaires au changement.
Ce projet de budget préfigure le new deal écologiste qui assurera en même temps un développement durable, une solidarité réaffirmée et une puissance publique efficace et responsable. C’est un projet ambitieux. C’est un changement important. Nous proposons tout simplement de faire dès 2012 ce que d’autres nous proposent de faire en cinq ans.
Si je suis élue Présidente de la République, tel est le chemin que je proposerai aux Français, un chemin de vérité, un chemin d’ambition, le chemin du changement juste. »
Eva Joly