Récit partagé par Alice Anberrée :
Un carré violet dans un cadre jaune. Au moins il n’est pas de mauvaise humeur. Je l’aborde sans faire aucun effort de politesse. Il n’y serait pas sensible et moi je suis contente de ne pas avoir à me prendre la tête après une semaine chargée.
Toute à ma fatigue, concentrée sur mon effort d’ignorer les bruit et les mouvements ambiants, je n’envisage pas que la machine puisse défaillir. N’est-ce pas là ce qui la rend préférable à l’homme dans des situations comme celle-ci, où les mots d’ordre sont efficacité et rapidité ? Et pourtant elle se montre contrariante et m’adresse un seul et unique message, sans se soucier de savoir si je le comprends ou non ni s’il me convient ou pas. “Votre e-billet ne peut être imprimé, veuillez vous adresser au guichet”.
N’ayant pas d’autre recours j’obéis et me place en sixième position d’une file d’attente qui me paraît interminable. La frustration de n’avoir obtenu ni ce que j’ai demandé ni aucune explication m’a rendue de mauvaise humeur et je noircis ma situation. En réalité il se passe peu de temps avant que j’atteigne la limite de courtoisie.
Le premier guichet qui se libère est éloigné et comme je ne le vois pas l’agent appelle : “à table !”. Sa plaisanterie m’amuse et m’aide à mettre de côté ma fatigue pour laisser place à un sourire poli. Je me rends compte que ce simple geste auquel la machine n’ouvrait aucune porte me repose, de même que celui que le guichetier me renvoie en retour.
Pour lui aussi c’est la fin de la journée mais il garde un dynamisme contagieux. Il comprend rapidement mon problème et le résout, avant de m’expliquer qu’en choisissant une autre combinaison de parcours mon trajet durerait moins longtemps et me coûterait moins cher.
C’est vrai mais je ne le savais pas. Je ne suis pas experte en réseau ou tarifs SNCF, je laisse ça aux agents dont c’est le métier. Ça devrait être aussi la fonction du site internet sur lequel j’ai réservé mon billet mais c’est une machine : si elle n’a pas été programmée pour, il est normal qu’elle n’ait pas trouvé la combinaison la plus avantageuse pour moi, de la même façon qu’il est normal que sa collègue en gare ne sourie pas, n’ait pas d’humour ou ne sache pas expliquer son dysfonctionnement.
Finalement l’humain leur est peut-être préférable : en cas de problème c’est lui le plus efficace et le plus rapide. Et de toute façon c’est toujours lui le plus sympa et le plus en mesure d’adapter son travail aux singularités des voyageurs.
En prenant mon billet j’annonce à l’agent que la prochaine fois je viendrai directement au guichet. Il approuve ma décision et m’indique qu’elle ne sera déterminante que si j’arrête de prépayer mes achats sur internet.
En effet, la SNCF fixe le nombre de ses agents et agences en fonction du chiffre d’affaire des guichets. Par conséquent tout billet payé sur internet ou en machine, même retiré en gare ou en agence, joue contre l’emploi et le contact humain donc contre le plaisir et le confort du voyage…
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